L’ENTRAÎNEMENT SOUS DE FORTE CHALEUR
En été, les conditions climatiques peuvent induire des périodes de fortes chaleurs et avoir un impact sur le niveau de performance des athlètes. Suivant la typologie du sport et des filières énergétiques utilisées, les conséquences de la chaleur sur la performance sportive seront différentes. Des stratégies vont devoir alors être mises en place afin d’optimiser au mieux les charges et stimulus générés par l’entraînement.
PERCEPTION A L’EFFORT
La chaleur va induire des bouleversements au niveau des réponses psychologiques à l’effort avec une perception de l’effort accru. La perception de l’effort étant l’expérience consciente de la difficulté et de la pénibilité associée à la tâche produite ou à la contrainte subie. La motivation de l’athlète et son niveau d’engagement durant les exercices va dépendre de ces réponses émotionnelles et affectives qui vont être influencées par l’interprétation de ses sensations.
L’IMPACT DE LA CHALEUR SUR LA PERFORMANCE SPORTIVE
Dans les épreuves de courte durée mobilisant la filière anaérobie de façon prioritaire, un épisode de fortes chaleurs va permettre une amélioration des performances par un niveau de puissance musculaire supérieur produit sur de courtes durées. On assimile ce gain de puissance à l’augmentation de la température au sein des muscles. Pour chaque degré d’élévation de la température intramusculaire, une augmentation de la puissance musculaire serait de l’ordre de 4% [1]. Ces adaptations sont dûes au nombre de ponts d’actine-myosine formé à partir d’un signal nerveux demain matin cité qui s’avère supérieur et du turnover de la phosphocréatine supérieur.
Cependant, on retrouve des effets néfastes sur les épreuves de longue durée mobilisant la filière aérobie de façon prioritaire. C’est seulement au bout d’une quinzaine de minutes d’effort qu’intervient une diminution de la performance sous l’effet de la chaleur [2]. Cette diminution est d’autant plus marquée à mesure que la température extérieure grandit [3] Et dépasse le seuil des 32 °C permettant de générer un stress thermique non compensables par l’organisme et ses mécanismes de thermorégulation qu’ils peuvent donc pas compenser la production de chaleur pendant l’exercice, induisant une hyperthermie. La perception de l’effort va ainsi être augmentée par l’altération du confort thermique et un stress cardiovasculaire plus élevé induisant des mécanismes autonome et comportementaux visant à limiter cette hyperthermie par une diminution du niveau de performance et d’engagement de l’athlète.
L’ACCLIMATATION A LA CHALEUR
Afin de pouvoir s’acclimater à la chaleur, des protocoles de courte durée d’environ 5 à 7 jours peuvent générer des améliorations sur la performance de l’athlète. Ces améliorations sont la conséquence de mécanismes qui se mettent en place de manière immédiate afin de lutter contre le stress thermique par une hyperstimulation des boucles de régulation afin de maintenir une homéostasie. [6]
L’athlète va avoir tendance lors des périodes de forte chaleur a diminuer son intensité afin de pouvoir s’économiser durant sa session d’entraînement. Cependant, afin d’optimiser ces adaptations physiologiques, l’athlète doit maintenir une intensité identique à ses entraînements habituels tout en veillant au stress physiologique globalement induit puisque la balance sympatho vagale [4] et l’axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien [5] peuvent être fortement sollicités. Il sera plutôt préférable d’adapter le volume des exercices plutôt que d’adapter l’intensité des exercices.
Ces adaptations vont voir les conséquences suivantes [6] :
- Augmentation du volume plasmatique
- Diminution de la fréquence cardiaque
- Diminution de la température profonde de repos et de la température de la peau
- Augmentation de la capacité de sudation Mais diminution de l’osmolarité de la sueur ce qui limite les pertes en électrolytes.
- Augmentation du confort thermique
- Augmentation de la capacité d’entraînement
- Diminution de la dépense énergétique à la chaleur [7]
- Diminution de la dépense énergétique de repos [8]
- Déplacement du métabolisme énergétique à l’effort des glucides vers les lipides [9]
- Adaptations du métabolisme mitochondriales [10]
- Augmentation du contenu protéique mitochondrial par une biogénèse supérieure à l’autophagie [11]
PERTES HYDRIQUES A L’EFFORT
Lors de l’effort musculaire, l’organisme met en œuvre différents mécanismes afin d’éliminer la chaleur produite. Ces mécanismes ont pour objectif de maintenir l’homéostasie et de lutter contre l’hyperthermie pouvant devenir dangereuse pour la santé, nous y reviendrons plus tard dans cet article. La vitesse d’évacuation de la chaleur va dépendre de plusieurs facteurs tels que la capacité du sujet à produire de la sueur, la vitesse à laquelle la sueur peut s’évaporer, cela va dépendre du niveau de saturation en vapeur d’eau de l’air au contact de la peau et de son taux de renouvellement ainsi que de la nature des vêtements. [12,13]
Les pertes hydriques au repos et à l’effort interviennent les mêmes mécanismes d’évacuation, cependant leur proportionnalité sera complètement différente si le sujet se retrouve au repos ou à l’exercice. Au repos, 60% des pertes vont se faire au niveau urinaire tandis que pendant l’exercice la déshydratation engendrée par l’effort physique va stimuler la libération d’aldostérone et de arginine vasopressine (AVP) qui sont des hormones afin de permettre la réabsorption d’eau et de sodium au niveau des reins. Il y a également 15% des pertes qui se jouent au niveau cutané et idem au niveau respiratoire. Pour les pertes hydriques à l’exercice, 90% des pertes hydriques vont se faire au niveau sudorale au travers de la sueur avec une moyenne de 1200 ml/h d’efforts. Les pertes hydriques au niveau respiratoire augmentent également pour atteindre en moyenne 100 ml/h d’effort alors qu’elles ne représentaient que 15 ml/h d’effort au repos. Cela est dû à l’augmentation de la demande en oxygène afin de pouvoir la distribuer ensuite au muscle. Une autre information à noter au niveau des pertes en eau est que celles-ci sont supérieures chez un sujet entraîné par rapport à un sujet non entraîné.
Au niveau des électrolytes qui correspondent finalement aux sels minéraux, L’athlète va perdre environ 3 g par litre de sueur de sel (Chlorure de sodium). Cependant, plus le niveau de l’athlète est élevé, plus ses pertes en chlorure de sodium vont être faibles.
Pour des efforts de très très longue durée avec des conditions climatiques présentant une chaleur extrême, les pertes sudorales peuvent dépasser les 10L ce qui représente une perte en sels de 20g qui doivent absolument être compensés.
Il est d’ailleurs de possible de déterminer son taux de sudation à partir d’une formule [14] :
COMMENT COMPENSER CES PERTES HYDRIQUES ET EN ÉLECTROLYTES
Les pertes hydriques sont d’autant plus importantes que la chaleur sera élevée. Afin de compenser celle-ci, l’athlète va devoir mettre en place des stratégies de réhydratation de manière à diminuer les effets délétères de la déshydratation sur la performance. Pour rappel, 2% de déshydratation correspond à une perte de performance à la hauteur de 20%, ce qui est phénoménal surtout dans les épreuves chronométrées. Durant l’exercice physique sous forte chaleur, l’athlète va devoir boire entre 500ml et 1L par heure d’effort. Il faudra veiller à la qualité du pH de la boisson et il faut que celles-ci se rapprochent au maximum du sang, c’est-à-dire qu’elle soit isotonique. Ainsi, il est déconseillé d’utiliser l’eau du robinet car il nous est impossible de maîtriser son pH.
La stratégie à mettre en place au niveau de la réhydratation va être différente en fonction de la durée de l’épreuve.
Lorsque l’effort présente une durée inférieure à 1h, l’eau plate ou l’eau gazeuse sans gaz peuvent suffire.
Lorsque l’effort dure entre 60 et 90 minutes, nous allons pouvoir ajouter du sel dans notre boisson. Il existe une référence pour 1L d’eau qui est l’ajout de 1,2 g de sel de table dans notre boisson. Cela va nous permettre d’éviter l’hyponatrémie.
Lorsque l’effort est supérieur à 1h30 soit 90 minutes, de la maltodextrine va être ajoutée à l’eau en plus du sel. La maltodextrine est un sucre complexe qui possède un index glycémique très haut à hauteur de 95, ce qui va lui permettre d’être absorbée rapidement par le système digestif et ainsi lutter contre la hausse du cortisol. La boisson se doit d’être sucré à une hauteur de 6 à 8% à base de maltodextrine. Au-delà,vous risquez une apparition de troubles digestifs pouvant mettre à mal la performance.
Lorsque l’effort est supérieur à 2h, l’athlète va pouvoir inclure dans sa boisson de l’effort de des BCAA. L’objectif de ces BCAA va être de diminuer l’apparition de la fatigue neurologique, par une resynthèse des neurotransmetteurs tels que l’acétylcholine qui possède un rôle dans la contraction musculaire. Au niveau des BCAA, la quantité va varier selon que l’on se trouve dans un sport de force ou dans un sport d’endurance. Pour les sports de force, l’ajout de 5 à 10 g/h d’effort sera très bien tandis que pour les sports d’endurance, il faudra doubler cet apport pour qu’il soit compris entre 10 à 20 g/h d’effort.
Néanmoins,il faudra faire également attention à l’effet inverse pour ne pas avoir un surplus hydrique au sein de l’organisme ce qui pourrait provoquer une hypertension intracrânienne Et un œdème cérébral qui aurait pour conséquence des céphalées, des vomissements, des convulsions et une altération de l’état de conscience pouvant aller jusqu’au coma et même jusqu’à la mort [15,16].
De plus,il va falloir éviter certaines catégories de boisson tels que les boissons énergisantes tes, l’alcool et les liquides hypertoniques qui ralentit davantage l’absorption de liquide dans l’intestin et provoquent des mouvements osmotiques de l’eau du sang vers le tube digestif ce qui diminuerait la volémie diminuerait ainsi les performances mais pourrait également provoquer des nausées et des vomissements.
CONCLUSION
Comme nous venons de le voir, l’entraînement sous haute chaleur va permettre d’induire des adaptations diverses par rapport à des conditions dans des environnements climatiques tempérés. Afin d’optimiser ces adaptations, il va falloir garder l’intensité prévue initialement faire plutôt varier le volume des exercices ou de la séance. La climatisation à la chaleur va intervenir au bout d’une période de 5 à 7 jours permettant différents effets bénéfiques sur les composantes internes de l’organisme ainsi que sur les performances de l’athlète. Néanmoins, L’athlète va devoir mettre en œuvre stratégie durant l’ exercice de réhydratation afin de compenser les pertes sudorales dues à l’excès de chaleur. Ces stratégies d’hydratation vont être différentes en fonction de la durée de l’effort.
BIBLIOGRAPHIE
[1] Sargeant, A.J., 1987. Effect of muscle temperature on leg extension force and short term power output in humans. Eur. J. Appl. Physiol., 56:693–698
[2] Tucker, R., Rauch, L., Harley, Y.R., Noakes, T., 2004. Impaired exercise performance in the heat is associated with an anticipatory reduction in skeletal muscle recruitment. Eur. J. Physiol. 448.
[3] Davies, M.J., Clark, B., Welvaert, M., Skorski, S., Garvican-Lewis, L.A., Saunders, P., Thompson, K.G., 2016. Effect of Environmental and Feedback Interventions on Pacing Profiles in Cycling: A MetaAnalysis. Frontiers in Physiology 7
[4] Yamamoto, S., Iwamoto, M., Inoue, M., et al., 2007. Evaluation of the effect of heat exposure on the autonomic nervous system by heart rate variability and urinary catecholamines. J. Occup. Health., 49(3):199–204
[5] Brenner, I.K.M., Zamecnik, J., Shek, P.N., et al., 1997. The impact of heat exposure and repeated exercise on circulating stress hormones. Eur. J. Appl. Physiol. Occup. Physiol. 76(5):445–54.
[6] Pierre-Emmanuel Tardo-Dino. Réponses du métabolisme mitochondrial musculaire à la chaleur lors d’une exposition aiguë ex vivo et après une acclimatation associée à un entraînement en endurance. Médecine humaine et pathologie. Université de Lyon, 2020. Français. ffNNT : 2020LYSE1050ff. fftel03278517f
[7] Young, A. J., M. N. Sawka, L. Levine, B. S. Cadarette and K. B. Pandolf (1985). « Skeletal muscle metabolism during exercise is influenced by heat acclimation. » J Appl Physiol (1985) 59(6): 1929-1935
[8] Hori, S. (1995). « Adaptation to heat. » Jpn J Physiol 45(6): 921-946.
[9] Lorenzo, S., J. R. Halliwill, M. N. Sawka and C. T. Minson (2010). « Heat acclimation improves exercise performance. » J Appl Physiol (1985) 109(4): 1140-1147.
[10] Robinson, S., D. B. Dill, J. W. Wilson and M. Nielsen (1941). « Adaptations of White Men and Negroes to Prolonged Work in Humid Heat. » The American Journal of Tropical Medicine and Hygiene s1-21(2): 261-287.
[11] Naito, H., S. K. Powers, H. A. Demirel, T. Sugiura, S. L. Dodd and J. Aoki (2000). « Heat stress attenuates skeletal muscle atrophy in hindlimb-unweighted rats. » Journal of Applie d Physiology 88(1): 359-363.
[12] Banzet S, Koulmann N, Bourdon L. Activité physique et hyperthermie. Med Armées 2012, ce numéro.
[13] Koulmann N, Banzet S, Bigard AX. L’activité physique à la chaleur : de la physiologie aux recommandations d’apport hydrique. Med Trop 2003;63:617-26.
[14] Armstrong, L. E. et Casa, D. J. (2009). Methods to evaluate electrolyte and water turnover of athletes. Athletic training & Sports healt care, 1(4), 169-179
[15] Rosner MH, Kirven J. Exercise-associated hyponatremia. Clin J Am Soc Nephrol 2007; 2 (1): 151-61
[16] Hew-Butler T, Rosner MH, Fowkes-Godek S et coll. Statement of the third International exercise-associated hyponatremia consensus development conference, Carlsbad, California, 2015. Clin J Sport Med 2015; 25 (4): 303-20.