Acide lactique / Lactate : un déchet ou un substrat énergétique ?

Il arrive de nombreuses fois que l’on entende les athlètes dire lors d’une activité physique intense ou lors d’un entrainement du type fractionné ou un HIIT (High Intensity Interval Training = Entrainement par intervalle à haute intensité) mettant en jeu la filière anaérobie lactique, que les athlètes n’ont pas pu aller plus vite sur la fin de leur exercice à cause de l’acide lactique qui brulait leurs muscles. Mais est-ce vraiment le cas ? Est-ce vraiment l’acide lactique qui inhibe la capacité musculaire à maintenir sa production énergétique de manière optimale ? C’est ce que nous allons voir au cours de cet article. Nous allons redéfinir ce qu’est l’acide lactique et le lactate, comment ils sont formés par le métabolisme énergétique et savoir si l’acide lactique et le lactate sont des déchets ou au contraire ont des effets positifs sur l’organisme en tant que substrats énergétiques, c’est-à-dire s’ils peuvent permettent au corps de reformer de l’énergie à partir d’eux même.

Acide lactique et lactate : est-ce que l’on parle de la même chose ?

L’acide lactique et le lactate sont deux termes qui sont généralement mal compris de la part des sportifs et des entraineurs. Une partie va vous dire que l’acide lactique n’existe pas, ce n’est que du lactate tandis que l’autre va vous dire l’inverse, le lactate n’existe pas, il s’agit de l’acide lactique. Mais qui a réellement raison ?

La différence entre une molécule d’acide lactique et de lactate

Et bien la vérité est que l’acide lactique et le lactate décrivent la même molécule (C3H6O3). Néanmoins, ils ont une légère différence. Le lactate est la forme ionisée de l’acide lactique, c’est à dire qu’elle a perdu un ion H+ par rapport à l’acide lactique.
Le lactate possède donc la formule biochimique suivante : C3H5O3. La molécule va se différencier en lactate ou acide lactique en fonction du pH du milieu auquel se situe la molécule.

A partir de quel pH la molécule de lactate devient de l’acide lactique dans les muscles ?

Le pH du milieu auquel se trouve la molécule C3H6O3 va permettent de définir si cette dernière est du lactate ou de l’acide lactique.

Dans le muscle, la molécule C3H6O3 va se différencier en lactate ou en acide lactique au niveau d’un pH seuil qui est de 7,0.
Lorsque le pH intramusculaire est plus acide donc inférieur à 7,0 alors la molécule sera de l’acide lactique.
Lorsque le pH intracellulaire du muscle est plus basique soit supérieur à 7,0 alors la molécule sera du lactate sous sa forme ionisée C3H5O3.

La diminution du pH reflète d’une augmentation de la concentration en acide lactique dans les cellules musculaires, ce qui se produit lors d’un effort physique intense et prolongé induisant un stress métabolique élevé des cellules musculaires.

Mais finalement, le lactate et l’acide lactique décrivent la même chose, c’est pour cela que dans la suite de l’article, nous allons utiliser le terme lactate pour décrire les phénomènes expliqués.

Comment sont formés l’acide lactique et le lactate ?

Le lactate va être formé à partir de la glycolyse suivi de la fermentation lactique. Ecrit comme ça il est en effet difficile de comprendre lorsque l’on n’a pas eu de cours de biochimie mais pas de panique je t’explique tout avec des termes plus simples.

Schéma représentatif de la glycolyse.
Les cercles oranges représentent les atomes de carbones et la lettre P le groupement phosphate.

Lorsque vous pratiquez un effort d’une durée comprise ou une série d’effort où chaque répétition dure entre 30 secondes et 3 minutes, avec une intensité maximale ou presque maximale, vos muscles vont avoir besoin d’énergie pour vous permettre de réaliser l’effort physique souhaité. Pour cela, vos muscles vont utiliser le glucose pour créer de l’énergie en venant dégrader cette molécule de glucose. Votre molécule de glucose va devenir 2 molécules de pyruvate et 2 molécules d’ATP. (L’ATP = adénosine triphosphate est la molécule qui permet d’apporter de l’énergie dans le corps à vos muscles lors d’une activité physique). Cette première phase et ce que l’on appelle la glycolyse.

Vos muscles n’étant pas assez nourri en oxygène à ce moment là, nous sommes alors dans des conditions anaérobie et non aérobie, une autre phase se met en place, cette phase est appelée la fermentation lactique. La fermentation lactique va venir utiliser les molécules de pyruvate provenant de la dégradation du glucose pour venir transformer le pyruvate en lactate grâce à une enzyme qui est la lactate déshydrogénase. Une autre molécule est formée grâce à la fermentation lactique, c’est le NAD+. Cette molécule de NAD+ va pouvoir à nouveau participer à la glycolyse afin de fournir davantage d’énergie aux muscles sous forme d’ATP.

Réaction biochimique de la fermentation lactique

L’acide lactique ou le lactate sont-ils des déchets ou un substrat énergétique ?

Le lactate formé par la glycolyse et la fermentation lactique décrit précédemment va venir s’accumuler dans les cellules musculaires si la capacité du corps ne lui permet plus de neutraliser et d’éliminer toutes les molécules de lactate produites. Sous ces conditions, le lactate s’accumule dans les muscles et provoque une acidification de l’environnement cellulaire venant diminuer le pH. Cette accumulation peut induire chez le sportif de la fatigue et des douleurs musculaires. Néanmoins, la molécule d’acide lactique en elle même n’est pas un déchet mais c’est l’augmentation des ions H+ dans le muscle qui provoque cette acidification.

Cependant, le lactate est un substrat permettant de produire de l’énergie grâce à la néoglucogénèse qui est la formation de glucose à partir d’autres substrats énergétiques comme le lactate. La néoglucogénèse va notamment se dérouler au niveau du foie afin de transformer 2 molécules de lactate en 1 molécule de glucose. Cela forme le cycle de l’acide lactique ou le cycle de Cori.
Le lactate peut même devenir un substrat énergétique sans passer par le foie pour produire du glucose mais en entrant directement dans la mitochondrie au travers de son transporteur MCT1 afin de fournir de l’acétyl-CoA qui pourra être utiliser ensuite dans le cycle de Krebs en présence d’oxygène pour fournir de l’énergie aux cellules musculaires.

Rôle du lactate dans la répartition énergétique (G.A. Brooks, 2018)

Comment se déroule l’acidification de l’environnement cellulaire à partir de la production de lactate ?

L’acidification de l’environnement cellulaire se produit lorsque la production de lactate et par conséquent d’ion H+ dépasse les capacités de l’organisme à neutraliser et à éliminer ce surplus de lactate. Cela arrive puisque le lactate pour franchir les différentes barrières des membranes cellulaires doit faire franchir également un ion H+ qui aura pour conséquence d’augmenter l’acidité du milieu.

Comment est neutraliser et éliminer le lactate ?

Le lactate est neutralisé et éliminé par différents processus métaboliques qui vont agir en synergie dans le corps. Les 4 principales voies métaboliques pour neutraliser et éliminer le lactate sont :

  • Le lactate est converti en glucose au niveau du foie par la néoglucogénèse afin d’être utilisé comme source d’énergie pour le corps et de pouvoir subir à nouveau une glycolyse.
  • Le lactate peut être converti en pyruvate grâce à une enzyme appelée la lactate déshydrogénase afin d’être utilisé pour produire de l’énergie ou être converti en glucose ensuite.
  • Le lactate peut être neutralisé par les bicarbonates présents dans le sang afin de maintenir un équilibre acido-basique sain.
  • Le lactate peut être éliminé par les reins sous forme de sels lactiques.

Quel est le niveau auquel la production de lactate dépasse sa capacité de l’organisme à l’éliminer et le neutraliser ?

Le niveau auquel la production de lactate dépasse la capacité de l’organisme à le neutraliser et l’éliminer induisant une acidification de l’environnement cellulaire va dépendre de plusieurs facteurs comme l’intensité et la durée de l’exercice, la condition physique, la santé générale de la personne mais également l’âge, le sexe et les habitudes alimentaires de la personne.

Par conséquent, il n’y a pas de seuil spécifique qui va s’appliquer à tout le monde mais ce seuil est individuel.

Comment la baisse du pH de l’environnement cellulaire perturbe les processus métaboliques et cause de la fatigue musculaire et de la douleur ?

La baisse du pH de l’environnement cellulaire entraine de la fatigue musculaire et de la douleur en venant interférer dans les processus métaboliques suivants :

  • L’acidité du milieu provoque une inhibition enzymatique des enzymes du métabolisme énergétique entrainement une diminution de son efficacité et une augmentation de la fatigue musculaire.
  • L’acidité du milieu peut altérer la distribution de l’énergie dans les cellules musculaires entraînant une réduction de la force musculaire et de l’endurance.
  • L’acidité du milieu va venir stimuler la douleur notamment au niveau musculaire en stimulant les nocicepteurs qui sont les récepteurs à la douleur.
  • L’acidité du milieu va venir altérer les processus de récupération du sportif étant donné que l’environnement cellulaire acide-base de l’athlète est perturbé, la récupération sera plus lente et cela peut augmenter le risques de blessures et de douleurs à long terme.

Conclusion

Pour conclure, nous pouvons affirmer que le lactate est loin du déchet métabolique qui lui était affiché il y a quelques années encore. Chez le sportif, le lactate peut être considéré comme un substrat énergétique pouvant permettre la production d’énergie au travers de plusieurs procédés métaboliques. Néanmoins, lorsque le lactate atteint des doses que l’organisme n’est pas en capacité de neutraliser, ce dernier peut engendrer une acidification du milieu de part la présence élevée d’ions H+. Pour cela, de nombreuses stratégies nutritionnelles sont possibles à mettre en place pour lutter contre ce phénomène ainsi que des stratégies d’entrainement chez le sportif que nous verrons dans d’autres articles.

Pour aller plus loin

Acide lactique et performance athlétique :

  • Bailey, S. J., Winyard, P., Vanhatalo, A., Blackwell, J. R., DiMenna, F. J., & Wilkerson, D. P. (2009). Acute exercise-induced increases in plasma lactate are correlated with increases in parasympathetic activity. American Journal of Physiology-Heart and Circulatory Physiology, 297(2), H554-H560.
  • Gliemann, L., Bangsbo, J., & Jensen, J. (2008). Lactate transport and exchange across the human erythrocyte membrane. American Journal of Physiology-Regulatory, Integrative and Comparative Physiology, 295(1), R252-R260.

Effets de l’acide lactique sur la récupération musculaire :

  • Sahlin, K., Harris, R. C., & Neely, D. (1990). Elevated muscle glycogen and plasma lactate concentrations after exercise in man: Evidence for high rate of glycolytic carbohydrate utilization. Acta Physiologica Scandinavica, 139(2), 271-278.
  • Hohenauer, E., Taeymans, J., Clarys, P., & Deley, G. (2015). Lactate as a predictor of muscle damage following high-intensity exercise: a systematic review. Journal of Sports Sciences, 33(16), 1689-1696.

Rôle de l’acide lactique dans la fatigue musculaire :

  • Sahlin, K. (2011). Lactate as a fuel for human muscle. Current Opinion in Clinical Nutrition & Metabolic Care, 14(2), 133-139.
  • Hargreaves, M., & Hawley, J. A. (2002). Signalling pathways regulating muscle glucose uptake during exercise. Sports Medicine, 32(7), 489-499.

Baisse de pH et perturbations métaboliques :

  • Søndergaard, H., & Saltin, B. (1994). pH and metabolic acidosis in muscle during exercise. Acta Physiologica Scandinavica, 152(2), 143-149.
  • Belcastro, A. N., & Bonen, A. (1998). Changes in muscle pH during exercise: implications for fatigue. Sports Medicine, 25(4), 223-234.

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